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Écrit par 10 h 20 min À la une, Légal et Edition

Le plagiat en musique: le débat se poursuit

Le procès de Ed Sheeran contre les héritiers d’Ed Townsend, musicien et producteur ayant co-écrit la chanson de Marvin Gaye, Let’s Get It On (1973), ramène des enjeux vieux comme le monde ou du moins, aussi vieux que les droits d’auteur·rice existent.   

Dans une ère où l’intelligence artificielle prend de plus en plus de place dans les processus créatifs et peut reproduire la voix de chanteurs·ses, un questionnement est d’ordre en ce qui concerne les procès sur des similitudes harmoniques ou mélodiques entre musicien·nes. 

En effet, la plupart des compositeur·rices savent que bon nombre de chansons populaires utilisent les 4 accords magiques, soit un enchaînement d’accords issus de la même gamme. Le problème, c’est qu’il existe une limite de combinaisons possibles et que, forcément, plusieurs chansons reprendront les mêmes progressions d’accords. Plusieurs personnes s’amusent avec les 4 accords dont le groupe Axis of Awesome qui a déjà démontré cela en jouant les 4 mêmes accords par-dessus des segments de chansons comme Don’t Stop Belivin (1981) de Journey, Let It Be (1970), des Beatles, et Edge of Glory (2011) de Lady Gaga ou bien un youtubeur français qui montrait dans ses vidéos comment faire des chansons populaires de tous les genres.

PV Nova explorait dès 2015 ces questionnements dans sa série de vidéos.

Alors pourquoi poursuivre en justice?

Avec autant de chansons similaires, on pourrait s’attendre à des poursuites à n’en plus finir. Pourtant, le nombre de poursuites ne rivalise pas à la quantité de chansons qui se ressemblent ce qui porte à se questionner sur les raisons derrière ces poursuites judiciaires.  

Les héritiers de Marvin Gaye et Ed Townsend n’en sont pas à leur première poursuite pour plagiat. En 2013, ceux-ci avaient poursuivi Robin Thickes et Pharrell Williams pour leur chanson Blurred Lines qui avaient des similitudes avec Got to Give it Up (1977). Le duo de chanteurs a dû payer 5 millions de dollars d’indemnités en plus de donner la moitié des recettes gagnées par la chanson qui étaient la plus vendue dans le monde cette année-là.   

Pour se protéger d’éventuelles poursuites, plusieurs artistes modifient les crédits d’écriture d’une chanson et incluent les personnes à l’origine d’une autre chanson qui possèdent des similitudes. Olivia Rodrigo a notamment ajouté dans les crédits d’écriture de Good 4 U (2021) les deux membres du groupe Paramore qui avait écrit Misery Business (2007). En faisant ainsi, la jeune chanteuse octroie 50% des droits de la chanson, ce qui représente un revenu important vu la réussite de la chanson, mais évite des accusations de plagiat.  

Et au Québec?

Si la plupart des cas notoire de plagiat implique d’avantage des artistes à l’internationale, c’est en partie parce que ces poursuites au Québec sont rares et peu publicisées. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de poursuite qu’il n’y a pas d’accusation de plagiat. En 2018, alors qu’Hubert Lenoir connaissait un succès fulgurant avec sa chanson, Fille de personne II, plusieurs ont vite pointé les ressemblances entre la chanson du jeune chanteur et celle du Français Gérald de Palmas, Sur la route, sorti en 1995. Avec une mélodie, une progression des accords et des rimes similaires, tout porte croire qu’Hubert Lenoir s’est inspiré de ce classique français. Le chanteur a pourtant dit ne pas avoir entendu parler ni de la chanson ni de l‘artiste auparavant. Quand il s’agit de plagiat, cette explication est la plus souvent utilisée, car rien ne permet de confirmer cela.  

Si une suite d’accords était la propriété intellectuelle de la première personne qui l’utilise, alors des centaines d’artistes seraient coupables de faire du plagiat et des milliers de chansons populaires n’auraient jamais vu le jour.  Il est difficile de réinventer la roue et d’être innovateur·rice quand il existe une possibilité limitée de notes, d’accords, de mélodie.