Le Groupement des femmes autochtones, un groupe de mères, de grands-mères, d’universitaires et de militantes luttant pour mettre fin à la violence coloniale contre les femmes autochtones, estime que l’autrice-compositrice, chanteuse et actrice américaine Buffy Sainte-Marie aurait induit en erreur des milliers d’Autochtones et bénéficier d’un faux récit en tant que «survivante de la rafle autochtone» pour faire avancer sa carrière.
À cause de cela, le groupe demande que Buffy Sainte-Marie perde son prix Juno pour l’album autochtone de l’année, remporté en 2018.
Le groupe de femmes autochtones s’est notamment basé sur l’histoire de CBC ainsi que sur le documentaire Makin an Icon de la série The Fifth Estate, diffusée vendredi, qui soulevait des doutes sur l’ascendance de la chanteuse.
La petite histoire de Buffy Sainte-Marie
La renommée de Buffy Sainte-Marie a commencé dans les années 1960 avec son premier album, It’s My Way! qui montrait fièrement son ascendance autochtone avec, entre autres, Now That the Buffalo’s Gone, une chanson de protestation liée à la dépossession des Autochtones de leurs terres ancestrales.
En 1975, Buffy Sainte-Marie marque l’histoire en étant la première invitée autochtone à l’émission Sesame Street. Durant son apparition, elle se dit être une femme crie, née au Canada.
Cependant, l’émission d’enquête The Fifth Estate, dévoile qu’elle ne serait ni Crie ni même Canadienne. Bien qu’elle n’aie jamais caché être la fille d’un père d’origine italienne et d’une mère anglo-américaine, Buffy Sainte-Marie avait prétendu en début de carrière être née dans une réserve au Canada et avoir été adoptée par les Sainte-Marie.
CBC a retrouvé son certificat de naissance qui indique qu’elle est née en 1941 à Stoneham, Massachusetts. Un test d’ADN effectué par son fils indiquait également que Buffy Sainte-Marie n’avait pas de profil différent du reste de sa famille, écartant ainsi la possibilité d’une adoption cachée.
De plus, plusieurs coupures de journaux des années 1960 montrent une certaine incohérence dans les propos de la chanteuse qui s’identifie come Algonquine, Mi’kmaq et Crie.
Il faut toutefois reconnaître que Buffy Sainte-Marie a été adoptée selon les traditions cries au début de la vingtaine par une famille de la Première Nation Piapot, Première Nation crie située au sud de la Saskatchewan.
«Nous comprenons que l’adoption traditionnelle comporte de grandes responsabilités, elle n’autorise personne à revendiquer faussement son identité d’origine autochtone. Être adopté dans une famille et une communauté autochtones n’autorise personne à parler au nom de l’ensemble de notre peuple» -Le Groupement de femmes autochtones dans un communiqué
La chanteuse a qualifié ces allégations faites par la CBC de «profondément blessantes», disant dans une vidéo que depuis toujours, elle ne connaît pas les détails de sa naissance.
Un cas parmi tant d’autres
Malheureusement, ce ne serait pas le premier cas d’imposture ethnique. Il y a, entre autres, les lutteurs Little Beaver et Sky Low Low qui ont connu la gloire dans les années 70 et qui se disaient Autochtones ou bien Archibal Stansfield Belaney, un écrivain et écologiste d’origine britannique qui vivait au Canada dans les années 20 et 30. Celui-ci est devenu célèbre en s’appelant Grey Owl et affirmait que sa mère était autochtone.
Ce problème n’est pas juste chez les célébrités. Le milieu universitaire donne également accès à des postes, des subventions de recherches et plusieurs autres avantages aux candidat.es autochtones. Pendant des années, les milieux universitaires se fiaient uniquement sur l’autodéclaration d’identité, avant de découvrir que plusieurs exécutaient de la «fraude ethnique».
L’histoire de Sainte-Marie correspond à d’autres cas d’usurpation: les certificats «perdus», l’adoption à l’âge adulte par une nation (pour une authenticité rétroactive), les incertitudes et le «marketing du traumatisme» d’être autochtone.
Tous ces cas d’appropriation de l’identité autochtone à des fins d’avancement de carrière ont souvent pour conséquence d’empêcher les Autochtones de se faire entendre et de raconter leur vraie histoire en plus de tirer profit d’avantages consentis pour réparer les torts du passé.
Même si Buffy Sainte-Marie possède un réel talent musical, sans son histoire inventée, qui sait si elle aurait accédé à la notoriété aussi rapidement.
